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Les pratiques de la spatialisation ont à voir avec celles de l'installation, de l'occupation et de l'entretien artistique et esthétique d'espaces, du déploiement de dispositifs et de systèmes hybrides, de la combinaison des médias et de l'interdisciplinarité. Elles sont issues des questions les plus contemporaines tant nos techniques et technologies comme nos usages se sont modifiés lors des dernières décennies. On pourra voir dans la spatialisation autant la préoccupation de mises en espace et que des questions d'espaces comme bases de travail : les arts de l'espace, les arts des dynamiques d'espace.

Au sein du Projet Neuf, elle est apparue comme étant à la croisée des trajectoires individuelles comme des disciplines (quelles qu'elles soient) telles que nous les menons et développons individuellement. Les latitudes et les variétés d'approches et de pratiques se sont démultipliées dans le travail individuel des artistes, les accès aux techniques et les utilisations de déplacements sont de plus en plus facilités (sans forcément être dédiés à résoudre des questions et des problèmes) ; ainsi il est visible que dans la création artistique, et ce depuis plus d'une cinquantaine d'années, certaines pratiques explorent des types de spatialisation :

en musique, où cette question a d'abord été abordée (Luigi Nono, Karlheinz Stockhausen, Maryanne Amacher, Bernhard Leitner, Max Neuhaus), l'utilisation de la multi-diffusion (l'utilisation de multiples haut-parleurs) permet de mobiliser l'espace en le modifiant de façon virtuelle par les projections de son, orientées, dirigées, etc., et de manière physique en prenant compte les propriétés acoustiques des espaces —(voir l'exemple du NEM Experience en sept. 2018).
De même, la prise en charge de systèmes et de dispositifs, voire de génération de sons (comme dans la sonification — rendre sonore, musical et audible, des données ou des variations de données qui ne le sont pas, par exemple : composer de la musique en direct avec les variations de la marée), passe par le déploiement spatial d'éléments : les articulations entre instruments, informatique, électronique, mécanique, etc. ; on parle alors d'instruments augmentés (musique mixte), de dispositifs et d'installations sonores et musicales, etc. La musique est devenue aujourd'hui plus spatiale que temporelle, un répertoire correspondant est à développer et à imaginer ;

en arts plastiques, les installations issues historiquement de la sculpture, de l'utilisation du mouvement, de l'évolution d'états, et de façons de quitter les murs, permettent aujourd'hui de combiner et d'associer des médias, des matériaux, des données, des natures, différentes et demandent pour cela de travailler plastiquement et matériellement l'espace comme périmètre de l'œuvre ; elles peuvent même parfois s'étendre à des périmètres plus grands hors de portée de la vue (Animitas de Christian Boltanski, les œuvres immatérielles de Robert Barry, œuvres dans la ville de Dan Peterman, Christo, Walter de Maria, etc.), et sur des temporalités qui échappent au temps habituel de l'exposition et de la fixité standard des œuvres (Gordon Matta-Clark, Ana Mandieta, Mierle Laderman Ukeles, Oliver Beer, Fred Sandback, Barbara et Michael Leisgen, Janet Cardiff, Ann Veronica Janssens, les performances de Jean Tinguely, les affiches de Daniel Buren, les réalisations, sculptures, photographies, performances de Robert Smithson, d'Hamish Fulton, de Gianni Motti), ou encore sur des matériaux et supports non dévolus à l'art (les bannières de Jeremy Deller, les clés USB d'Aram Bartholl, les dispositifs de Krzysztof Wodiczko) ;

le cinéma, tout en recoupant avec certains de ses avatars, l'informatique et l'internet, comme aussi de ses voisines, la photographie et la vidéo, s'est établi sur des notions spatiales : l'écran, la salle et leurs propriétés (l'écran blanc, la salle noire). Depuis plusieurs années, les questions et problématiques du “cinéma installé”, du tournage, du multi-écrans, etc. ont nourri de nombreuses œuvres et animé beaucoup de cinéastes (exemples : Chantal Akerman, Peter Greenaway, Agnès Varda, Michael Snow ; et en vidéo : Bruce Nauman pour ne citer qu'un seul artiste).
En corrélation avec les développements informatiques et des réseaux Internet (et pas seulement parce que ces développements ont permis d'étendre nouvellement des techniques numériques du cinéma, notamment en termes de logiciels d'édition et de streaming), les échelles spatiales sont également interrogées : on parlera d'écrans comme autant d'interfaces (split-screens, matte painting), on parlera de salles comme autant de boîtes noires et de camera obscura. Il est vrai que les techniques du son au cinéma ont accéléré également l'attrait de ces questions (le hors-champ, le cadre), comme le font aujourd'hui les techniques 3D et de synthèses d'images (ex. Adieu au Langage, de Jean-Luc Godard ; Legible City, de Jeffrey Shaw).



Nous pourrions lister encore dans divers domaines d'autres impacts de nos réflexions et interrogations relatives à la spatialisation, suffira-t-il d'ajouter quelques indices :

  • le rapport de la littérature et de l'écriture avec les réseaux (multi-écriture, supports virtuels de la page, récits distribués et télématiques, …), pour ne rester que sur ce type d'aspects ;

  • l'approche des formes-jardins comme réalité d'une spatialisation plastique, entretenue, lentement évolutive, en relation avec les esthétiques participatives et coopératives (un jardin partagé, ou plus justement, un jardin entretenu en commun, est une forme d'exposition permanente accessible tout le temps et modifiable à gré) ; et à savoir si le jardin est d'ordre esthétique et artistique, il suffira à titre d'exemples de jeter un œil sur les œuvres d'Andy Goldsworthy, de Roberto Burle Marx, de Michel Blazy, de Wochenklausur (Truck Farm), de Marinus Boezem (la cathédrale verte), et les travaux de Gilles Clément, les réalisations des architectes Diller & Scofidio (Arbores Laetae - Joyful Trees)etc. jusqu'à la question du paysage (Richard Long, Jan Dibbets, Guiseppe Pennone) (le Jardin des Délices de Hieronymus Bosch) (Les pots de fleur de Jean-Pierre Raynaud, horticulteur de formation) ;

  • celle de l'atelier d'artiste, quittant (il l'a quittée depuis longtemps) l'image de belvédère protégé et privilégié comme celle de château-fort et tour d'ivoire, pour envisager un espace plus grand comme atelier et comme dynamique de mobilité et de déplacement : la ville comme atelier, les lieux comme amorceurs d'expériences artistiques et d'expérimentations in situ, etc. (les œuvres de Francis Alÿs, de Michelangelo Pistoletto). Rien n'est nouveau ici, l'histoire de l'art est truffée d'exemples qui ont nourri la présence et l'effet des lieux sur le moindre fil d'une toile (si on parle de peinture) : Barbizon, le Land Art (dans sa véritable définition), La Borne (lieux de céramistes), Giverny (pour Monet), etc.



Si la spatialisation est bien une problématique artistique, et, bien plus, sociale (la géo-localisation, la spatialisation des savoirs, nos avatars, etc.), elle requiert la disponibilité de techniques et de technologies permettant de l'interroger, et, dans chaque domaine et discipline, ces techniques sont différentes, demandant de réunir en un seul équipement des natures bien différentes d'appareils et d'outils.

En parallèle, ceci rejoint notre volonté et intention de nous (P9) nomadiser (résidences-ateliers, résidences-workshops) et de travailler dans des lieux et endroits différents dans la ville (des bâtiments et espaces inoccupés) afin de mener des expérimentations artistiques in-situ et de proposer des expériences inédites publiques.

De telles propositions s'agrègent également avec la propulsion de projets et de réalisations qui naissent de ce Libre-Lieu (espace-laboratoire d'ateliers pluridisciplinaires d'expérimentations et de réalisations de créations artistiques) via les énergies et les dynamiques des membres actifs (qui peuvent être associés à d'autres artistes et acteurs) vers des structures de diffusion et de production qui pourront les porter.

Elles accompagnent aussi des projets qui peuvent jouer et s'effectuer à différentes échelles : à l'échelle très locale (dans le quartier, avec les habitants : comme base-périmètre et comme branches actives), locale (à l'échelle de la ville), et plus élargie (au niveau départemental, régional, national et international). Ces actions nomades et mobiles sont représentées aussi par l'accueil de demandes d'artistes sous la forme de projets et de résidences que le Projet Neuf peut accueillir et accompagner à partir du Libre-Lieu. Ces demandes pourront ainsi être aimantées par la question et problématique générale que nous soulevons (la spatialisation) et par la ressource (technique, humaine, artistique) que nous pourrons porter et qui y est associée.




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index-spatialisation.txt · Dernière modification: 2020/11/21 18:00 (modification externe)